C’est donc au nom de la liberté d’expression que Dieudonné a jugé bon de faire venir sur scène le négationniste patenté Robert Faurisson, afin que lui soit remis le « prix de l’infréquentabilité et de l’insolence » des mains d’un homme déguisé en déporté Juif.
C’est certainement au nom de la même défense de la liberté d’expression que Dieudonné réagissait très vertement aux caricatures du Prophète Mahomet publiées par Charlie-Hebdo, s’étonnant que le Procureur de la République n’ait pas immédiatement engagé une procédure.
Quel que soit le débat, légitime, que l’on puisse mener sur la nécessité ou non de censurer les propos négationnistes que tiennent quelques historiens nostalgiques de Laval et de Pétain, il convient d’admettre que Dieudonné oeuvre beaucoup plus pour la liberté d’expression de l’antisémitisme que pour la liberté d’expression tout court.
Se moquer de la Shoah sans prendre la peine d’être drôle lui est de toute évidence beaucoup moins pénible que se moquer de l’Islam, l’infréquentabilité et l’insolence lui apparaissant plus convenables quand elles ne vont pas à l’encontre de ses propres opinions sociales ou politiques.
Le jour où Dieudonné se déguisera en imam sur scène, et livrera une parodie intéressante des discours lapidaires des intégristes musulmans, ou de la fausse modération des associations islamistes qui se vantent de ne pas avoir recours aux armes et préfèrent passer par la voie judiciaire pour tenter de pénaliser le blasphème et d’instaurer ainsi une théocratie fascisante, ses propos concernant la liberté d’expression auront peut-être une chance de sembler crédibles.
Mais pour le moment, il ne donne en spectacle que des accès nauséabonds de provocations partisanes, applaudis par les cons aveugles qui y assistent, et relevant beaucoup plus de Louis-Ferdinand Céline dans ses beaux jours et ses beaux draps que de Noam Chomsky. En somme : la pathologie plutôt que la raison.
La liberté d’expression se doit d’être totale, et mérite plus que jamais qu’on la défende dans un pays comme la France, où elle apparaît bien plus dans les discours que dans les faits. Elle peut pour autant aisément se passer de ce genre d’avocats.
Elle cesse d’être une valeur quand elle devient un prétexte.
Cet article n’est pas drôle. C’est un fait.
Mais Dieudonné non plus.
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com