Autrefois, pour rencontrer l’âme soeur, on allait dans les bals populaires, on invitait une belle à boire un café en terrasse, on la croisait durant un meeting trotskyste ou on lui faisait croire qu’on est le fils de Jean-Paul Belmondo. Aujourd’hui les choses ont bien changé : la cyber-drague est devenue la référence absolue en matière de séduction, et il faut vraiment être un attardé mental ou un passéïste militant pour ne pas chasser les souris avec la sienne. De souris.
Mais est-ce que ça marche ? Le Never Trust a mené l’enquète, et peut vous affirmer que oui ! Ça marche, ça court, ça galope, ça virevolte, même si finalement ça s’écrabouille comme une crêpe à la chandeleur des aveugles. C’est ça, l’ère numérique : toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus fort, toujours plus con.
Le Never Trust vous propose donc trois portraits et témoignages de trois personnes différentes, d’âge, d’origine, de taille et de poids variés, dont nous avons choisi naturellement de respecter l’anonymat afin de ne pas avoir à les rétribuer en échange de leur participation à notre enquète.
« J’ai rencontré ma femme grâce à Internet ! »
Aujourd’hui, Xavier V. est heureux : après une longue période de célibat durant laquelle il dut faire croire à sa famille que, si son bras droit avait doublé de volume, c’est parce qu’il s’était mis au tennis, ce charmant jeune homme de vingt-sept ans a rencontré l’amour grâce à Internet. Justine, son épouse, est une jolie femme de vingt-cinq ans, elle fait du 95c et elle est rousse. Ou brune ? Peut-être blonde. Je ne sais plus en fait. Mais elle fait du 95c.
« J’ai rencontré Justine grâce à Internet. J’avais pris un abonnement à Orange et rentré chez moi, j’ai essayé d’installer la Livebox. Ça n’a pas marché. Les petites lumières rouges ne voulaient pas s’allumer, sauf une, mais elle était verte. J’ai appelé le service après-vente et je suis tombé sur Justine. Elle m’a conseillé de redémarrer mon ordinateur. Ce que j’ai fait, sans résultats. Après elle m’a dit de défragmenter mon disque dur. Ça n’a pas marché. Puis elle m’a dit de faire une restauration du système, mais toujours rien. En fin de compte elle m’a dit de réinitialiser mon ordinateur en configuration sortie d’usine . Ça a duré deux heures, pendant lesquelles nous avons parlé de choses et d’autres. Nous nous sommes découverts plein de points communs. A la fin, comme ça ne marchait toujours pas, j’ai jeté mon PC par la fenêtre, résilié mon abonnement Orange et je l’ai invité à dîner. Voilà comment ça s’est passé. »
Une histoire pleine de romantisme, et Xavier V. peut maintenant affronter l’avenir sans regrets. « De toute façon, je voulais m’abonner à Internet pour pouvoir regarder des femmes à poil. Maintenant que j’en ai une à la maison, qu’est-ce que j’en ai à foutre ? » nous confie t-il.
Seul motif d’inquiétude : après avoir passé plus de quatre heures en ligne avec le service après-vente d’Orange, Xavier a déjà demandé un rendez-vous avec son banquier en prévision de sa prochaine facture téléphonique.
Internet et échangisme : une histoire d’amour !
« L’échangisme a toujours été une pratique très naturelle chez moi, nous dit Pascal P. de Montre-la-Vieille. Mes parents étaient échangistes, mes grands-parents l’étaient aussi, ma soeur tient une boîte de nuit échangiste, dans laquelle mon cousin travaille comme portier et dont mon grand frère tient le bar. » Aucun doute : Pascal baigne dans l’échangisme depuis sa plus tendre enfance. « Seulement, tout n’était pas rose pour moi ces dernières années. En effet, je n’étais pas marié, même pas en couple, et du coup je n’avais rien à échanger ! »
Triste histoire que celle de l’échangiste célibataire, presque aussi triste que celle du naturiste contraint de porter un plâtre tout l’été… Mais Internet allait changer tout cela ! Sur les conseils de l’un de ses meilleurs amis — rédacteur-en-chef d’un grand magazine échangiste monégasque —, Pascal se connecta aux réseaux de discussion et de rencontres qui fleurissent sur la toile et fit la connaissance d’une jeune femme partageant son goût pour cette pratique encore mal vue par certains, mais tout à fait ancrée dans les moeurs des milieux « branchés » ainsi que chez les primates arboricoles.
« Notre mariage a été sensationnel ! raconte Pascal, non sans écraser une larme sur sa joue burinée. Nous avons célébré notre union dans une boîte échangiste du Pas-de-Calais, l’une des plus romantiques de France, avant de partir en voyage de noces échangiste aux Baléares, où nous nous sommes échangés toutes les nuits avec d’autres jeunes mariés venant des quatre coins du globe. Ça a été la plus belle semaine de mon existence ! »
Mais comment se déroule le quotidien d’un couple échangiste ? « Comme nous travaillons tous les deux, nous n’avons pas beaucoup l’occasion de nous voir dans la journée. Mais le soir, dés que nous nous retrouvons, nous prenons chacun une bonne douche et allons nous échanger avec amour dans les différentes boîtes de nuit de la région, ou parfois chez des couples que nous avons rencontrés grâce à Internet. C’est tellement merveilleux de pouvoir ainsi nous prouver notre amour chaque nuit en couchant avec de parfaits inconnus ! »
Internet a donc une fois encore permis à deux âmes esseulées de connaître le bonheur d’une union simple et équilibrée. Cependant, cette pratique de l’échangisme n’a t-elle pas pour effet pervers de nuire aux relations sexuelles au sein du couple même ? « Ça, je ne peux pas vraiment vous dire, nous répond Pascal. Avec ma femme, nous n’avons encore jamais couché ensemble ! »
« Y a pas que les grands qui s’aiment ! »
L’amour n’est pas réservé qu’aux chanteurs, aux anciennes top-models ou aux présidents de la République : les jeunes aussi s’aiment, et Internet leur offre naturellement l’occasion de se rencontrer, eux qui ont si peu l’occasion de se fréquenter depuis l’apparition de la première Playstation.
C’est par le Net que Kevin a fait la rencontre de Cindy. Il est difficile de ne pas être ému en les voyant marcher dans la rue main dans la main, lui la tête plein de rêves et d’acné, elle découvrant sa féminité en portant des treillis et des rangers. Ils ont seize ans tous les deux, ils sont en échec scolaire aggravé et leurs parents les détestent.
Romantique sans le savoir, Kevin a précieusement conservé sur son disque dur ses premiers échanges « virtuels » avec Cindy, qui allaient aboutir à l’éclosion de ce grand amour :
Kevin — Ouech moa c Kevin et twa ?
Cindy — Moa Cindi mé avec un y comme à la télé
Kevin — Ah oué lol c cool comme prainon Cindy
Cindy — Oué c po mal c mieux que Bernadette
Kevin — lol mdr oué c cler
Cindy — mdr
Kevin — é tabhite où ça ?
Cindy — Ben au 12 de la rue Jean-Jack Rousso
Kevin — lol c vré moi ossi
Cindy — lol mdr nan ?
Kevin — Si sauf que ça c’écris Jean-JACQUE Rousso
Cindy — mdr lol chuis trop conne
Kevin — ptdr mé non c juste que je suis assé bon en ortograf
Cindy — lol c cool faudré qu’on se rencontre
Kevin — mdr lol oué c clair lol
Cindy — C’est en effet tellement plaisant de rencontrer quelqu’un qui sache faire preuve d’empathie.
Kevin — Kwa ?
Cindy — Nan jveux dire lol mdr c cool ptdr
Kevin — Ah oué lol c cler jmpddr jpp jvmcddr lololol
Cindy — jfdsu kjfdjy kfdy lfdye jfdyhs jjd
Kevin — Ptain c beau ce que tu viens d’aicrire !
Près de deux siècles après les émouvants échanges épistolaires entre George Sand et Alfred de Musset, nous voyons que, grâce à Internet, la magie du Verbe amoureux n’est pas morte.
Bien entendu, ces trois exemples pris au hasard parmi les milliers d’autres que nous aurions pu citer et que nous ne citerons pas parce que nous avons autre chose à faire dans la vie, ces trois exemples écrivais-je qui nous montrent que le romantisme survit à toutes les révolutions technologiques et ne sera jamais la victime des bouleversements industriels, ces trois exemples donc qui portent en eux la saveur printanière de l’innocence et de la candeur, le vert paradis des amours enfantines que décrivait Ronsard dans son recueil Emaux et camées, enfin bref ces trois exemples montrent bien qu’ils sont trois et qu’ils sont exemplaires, et c’est précisément à cette conclusion que le Never Trust voulait aboutir.
Sur ce, bonne nuit !
lol.
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com