9 heures du matin — Réveil. Mal dormi. J’ai rêvé que je trouvais la fontaine de Jouvence mais que j’en buvais trop et que je retombais dans le néant pré-création. Penser à en parler à mon psychiatre pour lui demander d’interpréter ce rêve. S’il me dit que je suis le seul à pouvoir le faire, changer de psychiatre.
9 heures dix — En posant le pied par terre je ressens une petite douleur au niveau de l’orteil. Elle passe rapidement mais si je me souviens bien, j’avais ressenti le même genre de douleur il y a trois mois et deux jours. J’ai peut-être une forme d’infection cyclique. En parler à mon médecin.
9 heures quarante — Sous la douche, j’avale un peu d’eau chaude sans le faire exprès. Ça m’inquiète. L’eau chaude du robinet est-elle potable ? Froide, je sais qu’elle l’est, mais chaude ? En plus je me suis mis du savon dans l’oeil, ça pique. J’appelle un ami pour lui demander si c’est dangereux d’avoir du savon dans l’oeil. Il me répond que non, sinon les Urgences seraient remplies de gens dans mon cas, et le savon serait interdit en vente libre. C’est un argument valable.
11 heures — Après avoir passé une demi-heure à vérifier que mon oeil ne devenait pas rouge, je sors me promener. Il fait un peu froid. J’ai mis une écharpe pour ne pas attraper de torticolis, et un bonnet pour éviter le rhume de cerveau. J’ai appris qu’il y avait eu trois cas de méningite foudroyante dans le Pas-de-Calais. J’ai beau habiter à mille kilomètres de là, je crains tout de même le pire : et si je croisais dans la rue une personne venant du Pas-de-Calais ? Penser à éviter de toucher des gens.
12 heures — Je n’ai pas faim. Ce n’est pas normal. Certaines maladies coupent l’appétit, je me demande si je n’en ai pas attrapé une. Je me force à manger une assiette de nouilles, des oeufs brouillés et trois steaks. Après cela, je me sens fatigué et j’ai mal au ventre. Penser à en parler à ma diététicienne.
13 heures — Rendez-vous avec le dermatologue. Il regarde mes grains de beauté et me dit qu’il n’y a rien d’inquiétant, comme c’était déjà le cas la semaine dernière, chez un autre dermatologue. Penser à en consulter un troisième.
14 heures dix — En revenant de chez le dermatologue, j’ai éprouvé comme un malaise au niveau de la poitrine. Une douleur habituelle mais qui revient souvent. Le médecin m’a dit que c’était les côtes, pas le coeur. Je lui passe tout de même un coup de fil pour qu’il me rassure. Il me rassure. Ça ne me rassure pas.
15 heures — Vertiges. En marchant pour aller chercher les résultats de ma prise de sang, j’ai soudain l’impression que tout tourne autour de moi. Je panique. Je m’arrête deux secondes pour demander conseil à une clocharde roumaine, mais tout ce qu’elle sait me répondre, c’est « pour manger, pour manger » en agitant sa main blême devant moi. Je la remercie tout de même pour son attention et lui souhaite une bonne journée.
15 heures vingt — Les résultats de ma prise de sang sont excellents. Rien à signaler. C’est assez étrange, quand on me l’a faite j’ai trouvé que mon sang avait une drôle de couleur. J’en ferais bien une autre ailleurs, mais j’ai peur que trop de prises de sang affaiblissent mon organisme.
16 heures trente — Après une petite migraine passagère qui m’a pris sur le chemin du retour, j’ai avalé deux cachets d’aspirine et me suis enfoncé sous ma couverture en attendant que ça passe. J’ai fumé une cigarette aussi. Je n’aurais pas dû. J’ai toussé deux fois depuis.
17 heures — En sortant pour aller chercher les résultats de ma radio de la hanche, j’éprouve une gène au niveau des testicules. Au début j’essaye de ne pas y prêter attention, mais la douleur se fait un peu plus forte et ça me fait peur. Je m’arrête à un arrêt de bus pour demander conseil à une fillette, mais les gens autour de nous m’entendant lui parler de mes bourses me chassent à coups de pieds aux fesses en me traitant de pédophile. Maintenant je n’ai plus mal aux testicules. Par contre, j’ai mal au cul.
17 heures trente — Et si j’étais vraiment pédophile ? J’essaye, sur le chemin du retour, de me glisser en douce dans la salle d’attente du psychiatre. Il me surprend et remue son doigt d’un air réprobateur. Je lui explique que je crois que je suis pédophile. Il me dit que je ne le suis pas, puisque je ne suis pas attiré sexuellement par les enfants. Ça se défend.
18 heures — Petit détour par la pharmacie pour acheter des vitamines C, D, F et Omega. La pharmacienne me fait un grand sourire. Elle porte sous sa blouse un très joli décolleté que je me force à ne pas regarder, je crois que j’ai l’urètre inflammé et il faut que j’évite d’avoir des érections.
19 heures — J’appelle SOS médecins pour leur demander si des cas de méningite ont été signalées dans la région. Parce que j’ai de nouveau un peu mal à la tête, et je me sens la nuque raide. On m’explique que si j’avais une méningite, j’aurais de la fièvre. Je leur réponds que j’ai quand même quelque chose comme 37°9. On me raccroche au nez.
20 heures trente — J’écoute les informations à la radio. Des tas de gens dans le monde sont morts aujourd’hui. Moi, j’ai survécu.
21 heures — Je me regarde des épisodes d’Urgence, dont j’ai acheté le coffret de la première saison hier. J’aime bien cette série. J’y apprends l’existence de plein de maladies. Le jour où j’en attraperai une, je saurai au moins à quoi m’attendre.
Minuit. — Il est minuit et je ne dors pas encore. C’est ennuyeux. J’ai peur, en ne dormant que sept heures par nuit, d’avoir des hallucinations ou des malaises dus au manque de sommeil. J’ai lu sur Internet que ça arrivait aux gens qui ne dormaient pas assez. Le médecin m’a dit que dormir sept heures par nuit, c’est la moyenne, et qu’il n’y a aucune chance que je puisse avoir des hallucinations ainsi. Je lui ai expliqué aussi que j’avais peur de la somnolence au volant. Il m’a rappelé que je n’ai pas le permis.
Une heure du matin — Je me bois une tisane avant d’aller au lit. Je fume une dernière cigarette en écoutant du Bach, mais pas trop fort pour ne pas m’esquinter les tympans. Je lirais bien un peu, mais mes yeux recommencent à me piquer, alors je préfère éteindre la lumière et m’allonger dans le noir en pensant très fort à tout ce que je pourrais faire,
à tout ce que je pourrais entreprendre,
à tout ce que je pourrais accomplir,
si seulement je n’étais pas tout le temps malade.
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com