Sacré Anelka ! Voici quelques années, nous autres au Never Trust avions de la peine pour lui, qui se faisait agonir par tous les médias de France après avoir, disait-on, déclaré à son entraîneur en pleine Coupe du Monde : « va te faire enculer, sale fils de pute ! » Des mots relayés par « L’Équipe » mais que le footballeur nia immédiatement avoir prononcé, dans l’indifférence générale puisque chacun connaît la haute déontologie et la fiabilité sans failles du premier quotiien sportif français.
Rarement on avait vu, du moins dans le registre du sport, une presse plus unanime pour vouer au pilori un homme qui pourtant clamait son innocence. Aucune voix discordante ne semblait alors être audible. On voulait haïr cette équipe de France qui nous faisait tant honte, et l’on avait trouvé en la personne d’Anelka le bouc émissaire convenable. Parmi cette bande de gamins mal élevés, il faisait figure du pire, le parangon de l’ingratitude, la honte nationale. À côté de lui, Laval et Pétain, c’était Vercingétorix et le chevalier Bayard.
Après cela, les esprits s’étaient calmés et Nicolas Anelka put reprendre son petit bonhomme de chemin. Il recommençait même à jouir d’une certaine réputation, voire d’une certaine sympathie, et les ennuis semblaient s’éloigner. Trop sans doute, puisque le brave homme n’a rien trouvé de mieux samedi dernier que de fêter un but en faisant sur le terrain le geste dorénavant si connu de la quenelle, signe d’appartenance et d’allégeance à la secte dieudonnique, célébrant les vertus d’un antisémitisme franc et sincère. Une appellation que le bateleur judéophobe a par ailleurs fait déposer et décline sous toute une gamme de produits à vendre sur son site. Si les Juifs, comme ils disent, aiment l’argent, l’Histoire démontre que les antisémites ne crachent pas non plus dessus et savent même faire preuve de beaucoup de talent pour que leur haine leur rapporte de quoi vivre dans le confort des sages.
Nicolas Anelka proteste énergiquement via Twitter : « Bien sûr, je ne suis ni antisémite, ni raciste ». Bien sûr. Pourquoi, bien sûr ? Pourquoi devrait-on être sûr que Nicolas Anelka n’est ni antisémite, ni raciste ? Parce qu’il est Noir ? Parce qu’il est célèbre ? Parce qu’il est riche ? Parce qu’il tape sur des ballons et que ça lui fait du bien ? Et le footballeur d’ajouter dans la même phrase qu’il « assume totalement son geste ». Un geste que firent avant lui des sommités du monde humaniste tels que le négationniste Faurisson, ou les charmants Bruno Gollnisch ou Jean-Marie Lepen. Des gens qui, « bien sûr », ne sont ni antisémites ni racistes. Étrange de prétendre assumer un geste aussi connoté tout en niant ce qui en fait l’essence même.
Mais l’on comprend peut-être un peu la logique d’Anelka lorsque celui-ci tweete également que la signification de la quenelle est « anti-système » et rajoute qu’il ne voit pas ce que « le mot religion vient faire là-dedans ». Pour Anelka, l’antisémitisme est donc une religion. C’est intéressant. La vacuité intellectuelle du personnage devient plus perceptible. On comprend que celui qui accuse les autres de ne pas savoir la vraie signification de la quenelle n’a simplement pas la moindre idée de la portée du geste qu’il pratique. À l’image de ces petits enfants idiots qui trouvent amusant de faire le salut nazi dans une cour de récréation.
Antisémite, raciste, non, bien sûr ! La quenelle, c’est un geste anti-système. Anelka est un homme anti-système. Anti quel système ? Celui du monde du football, avec son dopage institutionnalisé, ses intermédiaires véreux, ses présidents de clubs immoraux, ses salaires indécents, son étalage nauséeux de publicités et sa traite d’êtres humains annuelle que l’on nomme le mercato ? À qui prétend-il donner des leçons, Anelka ? À la société du spectacle dont il est un acteur, sinon un complice ? Est-il vraiment crédible, cet associé du système dans toute sa splendeur, de prétendre jouer les Proudhon en short parce qu’il a placé la baballe dans le bon filet ?
Quel est-il, ce système que les quenelliers, se défendant bien sûr de tout antisémitisme, prétendent dénoncer ? Parmi eux, ainsi qu’a permis de le savoir un hacker juif qui s’est amusé à balancer les identités de tous ces courageux anarchistes aux visages floutés, on trouve des flics. C’est anti-système, un flic. C’est bien connu. Ça ne peut être ni raciste ni antisémite, mais ça peut être anti-système, bien sûr. Et ceux qui, braves moutons, font ce geste devant des synagogues ou des camps de la mort ? Anti-système, évidemment. Aucune connotation. Juste de la saine révolte. Juste un cri lancé du fond du coeur contre cette démocratie qui pollue tout.
Parce que dans le fond, c’est ce système-là qui dérange Dieudonné et ses amis aux crânes chauves. C’est une démocratie qui n’applique pas, au nom de la lutte contre le sionisme, les lois d’exception juive que Dieudonné réclame dans son programme politique. Une démocratie qui a le malheur de rendre hommage aux victimes des chambres à gaz ou d’essayer parfois de regarder en face les crimes commis contre les Juifs durant l’Occupation. Une démocratie qui autorise les homosexuels à se marier, un « complot sioniste qui vise à diviser », nous dit Dieudo. Une démocratie qui n’autorise pas les poseurs de bombes patentés à appeler librement au massacre des infidèles. Une démocratie qui tente quelquefois de tirer des leçons de l’Histoire et de maintenir une forme d’entente entre les peuples et les religions malgré les extrémismes de tous bords qui poussent au conflit.
La belle quenelle que voici ! Le beau message anti-système de ceux qui n’ont rien à dire, qui n’ont rien à penser, qui vomissent dans les commentaires d’articles ou sur Youtube leur haine grégaire, leurs frustrations et leurs jalousies, dans un français souvent relatif, nantis d’un vocabulaire limité et d’insultes ou de sophismes qui sont toujours le même copié-collé des prêches de l’idéologue Dieudonné ! Un homme qui fait rire son public rien qu’en disant « chambre à gaz », tout comme Bigard fait rire le sien en parlant de cul, de bite et de poils. Le rire pavlovien des cons. Le pire et le plus dangereux.
Pour interdire les spectacles de Dieudonné, il faudrait interdire la connerie humaine. Peut-être le gouvernement devrait-il appliquer la logique de sa loi contre la prostitution aux spectacles de Dieudonné : l’autoriser à monter sur scène, et sanctionner ceux qui viennent le voir… Ne soyons pas dupes : sur Internet, dans une cave ou dans des brasseries munichoises, Dieudonné trouvera toujours le moyen de s’exprimer et de faire son beurre en vendant de la quenelle antisémite et en se posant en victime de la dictature sioniste et du politiquement correct.
Pour lutter contre ce genre de personnages, contre ces Boulanger, ces Henriot, ces Poujade, il faudrait cesser de mettre de la merde dans le crâne des gens dès le plus jeune âge. Ça ne résoudrait pas tout, mais cela irait sans doute dans le bon sens. Au lieu de cela, on veut des boucs émissaires interchangeables : les Noirs, les Arabes, les Roms, les Juifs, les pédés, les franc-maçons, les plombiers polonais, les tourneurs-fraiseurs ou les gardiens de zoo. En face, les médias bardés de moralité et donneurs de leçons autoproclamés cherchent des exemples, des modèles à fournir aux populations. Les patrons, les footballeurs, les artistes. Vendre du rêve plutôt que de louer de l’intelligence. Le mouvement est le même : des réponses simples à des problèmes complexes.
En fait de modèle, en fait d’exemple, Anelka est juste une nouvelle démonstration du pouvoir de la stupidité quand elle se croit intelligente, quand elle pense être conscience. Anelka a les amis qu’il mérite : aussi idiots que lui, aussi peu profonds qu’une flaque d’eau, aussi incapables de réflexion, de sincérité ou d’empathie. À l’image de la plupart des quenelliers de France, il est avant tout coupable d’être con. Ça ne se soigne pas, ça ne se guérit pas, mais au moins ça se méprise.
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com