En général les branleurs ne savent même pas qui est Onan, douce ignorance que celle du fidèle qui ne connaît pas l’existence de son propre prophète. Et pourtant ils sont nombreux les onanistes, et je ne parle pas là des seuls branleurs occasionnels qui se détendent comme ils peuvent durant leurs moments perdus, je parle de l’onaniste professionnel, de celui qui vit à travers la branlette comme d’autres à travers l’étude de La Recherche du temps perdu. Sachant que les deux activités ne sont pas incompatibles, loin s’en faut.
Mais il convient de parler de la masturbation en premier lieu, et plus précisément de la masturbation masculine. Les femmes ne se masturbent que très rarement, c’est bien connu. Environ une fois par semestre, c’est-à-dire à la même fréquence qu’elles font caca.
Il est important de souligner que la branlette masculine suit l’évolution des technologies. Pour ceux qui sont nés avant les années 80, les souvenirs des premiers émois onaniques sont généralement liés au catalogue de la Redoute, institution érotogène aujourd’hui défunte mais qui conserve dans les mémoires de plusieurs générations le même pouvoir d’évocation nostalgique. Ce catalogue de vente de choses diverses et variées proposait en effet quelques pages consacrées à des lingeries particulièrement suggestives et offrait à voir des photos de modèles féminins arborant fièrement ces mêmes lingeries. Il n’en fallait pas plus à un puceau dégoulinant pour s’en exciter la moelle, d’autant qu’il n’était guère d’autres alternatives. Un oncle pouvait parfois oublier un calendrier coquin ou un roman érotique dans un coin de grenier, mais ce genre de miracles n’arrivait que rarement. Quant aux revues pornos abandonnées sur un coin de route ou dans une poubelle, elles étaient un Graal inespérées mais relevaient plus de la légende urbaine que de la réalité des enfants obsédés et pervers polymorphes que nous étions alors.
Canal Plus a naturellement changé tout cela et plus tard, pour ceux qui n’avaient pas de décodeur, M6 allait participer à l’évolution des pratiques onaniques des jeunes gens. Bien entendu, Canal proposait des pornos hauts en couleur quand M6 n’offrait à voir que de vagues téléfilms érotiques où l’apparition d’un sein s’avérait quelquefois exceptionnelle. On aurait tort toutefois d’oublier la 5 de Berlusconi, qui offrit un compromis intéressant en diffusant des émissions made in Playboy ou des films érotiques plus poussés que ceux de la petite chaîne qui monte. Mais pour ceux qui n’avaient ni décodeur, ni l’opportunité de rester devant la télévision jusqu’à des heures indues, il ne restait plus, une fois encore, que la Redoute et, une fois par an, pour le réveillon, la revue du Crazy Horse que la deuxième chaîne s’obstinait à diffuser tous les ans.
Puis est venu Internet. D’abord, le 56K, avec lequel l’affichage d’une photographie de nu prenait tellement de temps qu’on finissait son affaire avant même de l’avoir obtenue en entier, tant l’idée qu’on s’en faisait était plus émoustillante encore que le résultat final. Quant aux vidéos, mieux valait ne rien télécharger de plus d’une minute, à moins d’avoir une force de caractère et une patience respectivement de bronze et d’airain. Tourner les pages de la Redoute prenant moins de temps que d’attraper un quelconque fichier vidéo mettant en scène Pamela Anderson sur un bateau, le catalogue de vente par correspondance avait encore quelques chances de survivre malgré la concurrence montante de la vente en ligne.
Mais le haut débit est arrivé, et tout explosa. Un déluge de seins, de fesses et de foufounes, un florilège de fétichismes inconnus jusqu’ici, la naissance du gonzo, l’arrivée de starlettes internautiques qui firent de plus en plus d’ombre au circuit de distribution traditionnel. Tout comme la vidéo avait tué le cinéma porno en salle, Internet s’apprêtait à révolutionner le système de production de l’industrie pornographique. Et pour le jeune internaute qui voulait apercevoir quelque raison de se branloter la nouille, la caverne d’Ali Baba était accessible à toute heure du jour et de la nuit, dans le dos de parents absents croyant en la pureté d’âme de leurs enfants et ne se doutant pas une seconde qu’un gamin de douze ans n’a qu’à prétendre en avoir dix-huit d’un simple clic pour accéder à des images de messieurs dénudés se pratiquant des choses dans une baignoire remplie de leurs propres excrétions ou de femmes obèses se faisant saillir par des ânes hagards. Là, évidemment, La Redoute ne pouvait plus suivre.
La dernière contrainte à l’accès du porno qui peut subsister s’efface à présent avec l’apparition de la Wi-Fi, des ordinateurs portables ou des appareils mobiles pouvant se connecter à l’Internet absolument partout. N’importe quel puceau de base peut maintenant regarder un film cochon durant ses sessions d’EPS ou pendant la pause pipi de ses cours de catéchisme. La branlette n’a jamais été aussi accessible. Elle en est même devenue chiante. On se branle aujourd’hui comme on se lave les dents, l’excitation de l’interdit a quasiment disparu, sauf peut-être sous la douche où l’on peut encore jouir du plaisir coupable et anti-écologique de gaspiller de l’eau. On fait ce qu’on peut avec ce qui nous reste, en somme.
Notons que si vraiment la prostitution est le plus vieux métier du monde, la branlette est elle le plus vieux loisir du monde. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’accession à la pratique sexuelle chez les primates qu’étaient nos ancêtres n’était pas si évidente que cela. La massue ne suffisait pas toujours, et l’on peut même affirmer qu’à l’époque comme aujourd’hui, avoir le gourdin n’était pas un argument suffisant auprès de la gent féminine. Nous parlons d’un temps où la femme n’avait pas encore été conditionnée à coups de baffes et de tatanes, elle n’avait pas encore été asservie par la domination masculine et ne se considérait donc pas comme un ventre à féconder où une boîte à zizis. Cette disposition d’esprit allait se développer au fil du temps. C’est elle qui permet aujourd’hui aux hommes de traiter de frigides les militantes féministes qui proclament leur refus de se laisser violer.
Mais en cette époque, que nenni. Les femmes d’alors étaient des guenons. Certaines aujourd’hui en sont toujours me direz-vous, mais dans le cas qui nous préoccupe ce n’est pas qu’une image : c’était vraiment des guenons, avec les poils et les dents et tout et tout. Et je ne sais pas si vous avez déjà essayé de violer une guenon, j’espère sincèrement que non, mais laissez-moi vous dire qu’avec ou sans massue ça n’a pas l’air tâche aisée.
Bien sûr, on pouvait amadouer la femelle en lui apportant quelques morceaux d’aurochs bien faisandés ou un joli collier fait de dents d’ours, on pouvait également tenter de la séduire en faisant valoir ses muscles, l’abondance de son pelage ou le dernier modèle de mammouth que l’on avait alors réussi à dompter, mais cela n’était pas donné à tout le monde. De tout temps il y eut des intellectuels, qui ne disposaient pas de cette virilité d’esprit là. Sans eux, il n’y aurait pas eu le feu, la roue, Lascaux, le langage, l’écriture et tout ce qui s’ensuivit. Mais le feu, la roue, Lascaux, le langage, l’écriture et tout ce qui s’ensuit, les femelles s’en foutent, ça ne vaut pas grand-chose comparé à un beau pelage bien costaud et à de bons gros morceaux d’aurochs faisandés. Alors le primate intellectuel était seul. Il y avait bien, me demanderez-vous, quelques guenons intellectuelles ? Vous avez raison. Mais entre nous, vous avez vu leurs tronches ?
Alors les hommes préhistoriques que nous avons été ne manquèrent pas de se branler, faute de mieux, et aussi pour se distraire, passer le temps, se tenir chaud ou s’occuper les mains. Nul doute que la branlette remonte aux origines de l’humanité. C’est un réflexe conditionné, inévitable. Des chercheurs américains complètement tarés l’ont démontré : ils ont greffé un zizi et une paire de mains à un lézard et celui-ci a immédiatement commencé à se masturber.
Par ailleurs, notons que la masturbation est nécessaire à notre équilibre mental. Continuant leur expérience, ces mêmes chercheurs américains ont coupé les mains à un jeune scout de treize ans et celui-ci a immédiatement commencé à dépérir. Preuve impérieuse que, sans la branlette, le garçon s’étiole dangereusement.
Par la suite, ces chercheurs s’amusèrent à greffer des crêtes de coq sur les dos de chimpanzés adultes et à faire porter des tutus à un couple d’hippopotames qu’ils nommèrent Alphonse et Sidonie, mais c’est un autre sujet et l’expérience fut de toute manière interrompue par des agents du Bureau Fédéral d’Investigation.
A présent, intéressons-nous à ce qui nous préoccupe vraiment, à savoir le cas des onanistes, et non pas seulement des branleurs naissants ou naturels dont nous venons de survoler, avec une finesse qui nous honore, les pérégrinations historiques.
Définir l’onaniste de par sa seule faculté à se masturber sans cesse serait par trop réducteur. On peut être onaniste sans jamais, je dis bien jamais, se câliner la saucisse plus de trois fois par heure. C’est possible. C’est rare, mais possible.
Notre propos est de dire, d’affirmer, que l’onaniste n’exprime pas son onanisme qu’à travers sa seule pratique de la masturbation. L’onaniste l’est partout et tout le temps. Dans sa façon de parler, dans sa façon d’écrire, dans sa façon de réfléchir, dans sa façon de rire, dans sa façon de boire aussi, bref dans sa façon de faire tout ce que l’on fait avec des façons de les faire, c’est à dire à peu près tout partout. La logique de l’onaniste est imparable, en voici quelques exemples :
L’onaniste mange vite : il ne voit pas l’intérêt de faire durer cette activité dans la mesure où la nourriture qu’il avale ne partage pas son plaisir.
L’onaniste regarde toujours la dernière page du livre qu’il s’apprête à lire : il aime savoir à l’avance comment les choses vont se terminer et a une sainte horreur des surprises
L’onaniste ferme toujours à clé derrière lui. Toujours. Même s’il vit seul dans une région désertique, à mille kilomètres de sa maman chez qui il n’habite plus depuis quinze ans.
L’onaniste travaille vite et mal, ou lentement et bien. Cela dépend de son humeur. Soit c’est très vite torché, soit ça s’étale en longueur.
L’onaniste est généralement assez doué en géographie, et se distingue par une connaissance remarquable de la carte de France.
Bref, l’onaniste est un garçon qui a ses qualités et ses défauts. Le cheval aussi, et même le putois. Il est donc à peu près comme tout le monde, avec la particularité toutefois qu’il sait se reconnaître. On confère souvent aux homosexuels cette capacité à s’identifier entre-eux, les onanistes la possèdent également. Mais contrairement aux homosexuels, l’onaniste n’ira pas chercher chez son congénère une quelconque forme de complicité, voire de solidarité. On peut certes aimer jouer au solitaire autant qu’à la crapette, mais la crapette ce n’est plus du solitaire, un point c’est tout.
Partant de ce principe d’identification, nous avons consulté quelques onanistes parmi les sources du Never Trust pour dresser ce petit florilège de célébrités ou de personnalités qui, de toute évidence, appartenaient ou appartiennent à la classe des disciples d’Onan :
Jules César (100 avant Jésus Christ – 44 avant Jésus Christ) dont tout le monde sait qu’il avait presque tout le temps la Gaule.
Jésus Christ (1 après lui-même – 33 après lui-même) dont les romains préférèrent clouer les mains au lieu de simplement les attacher, ainsi qu’ils avaient coutume de le faire lors des crucifixions classiques. Tout est dit.
Attila le Hun (environ 400 – 453) dont le nom indique clairement qu’il affectionnait la solitude, ce qui lui valut sans doute une part de sa renommée puisque Attila le Hdeux est lui totalement inconnu des historiens.
Jeanne d’Arc (1412 – 1431) dont le caractère guerrier, la façon de tenir tête à ses juges et l’inaptitude à faire la vaisselle indique clairement qu’il s’agissait en fait d’un homme se prenant pour une femme, schéma onaniste classique.
Louis XVI (1754 – 1793) qui adorait bricoler tout seul dans son atelier plutôt que de s’occuper de son royaume, demeurant sourd aux revendications de son peuple.
Napoléon Bonaparte (1769 – 1821) dont Pierre Desproges faisait remarquer à juste titre l’habitude de glisser sa main par-dessous sa veste, ce qui lui conférerait par ailleurs des dimensions tout à fait remarquables.
Adolf Hitler (1889 – 1945) dont on ne distingue souvent qu’une seule main, bien tendue pour donner le change. Sur la photo suivante, on le voit d’ailleurs clairement essayer de cacher la tache qu’il s’est faite au pantalon.
Jean-Pierre Raffarin (1948) dont la manie des petites phrases et des formules alambiquées est très révélatrice d’un esprit qui se suffit largement à lui-même.
Nicolas Sarkozy (1955) dont les mouvements convulsifs et les sourires crispés lors de ses apparitions publiques laissent entendre que ses slips sont trop serrés et que ce n’est pas le fruit du hasard.
Que ces quelques exemples vous aident à méditer sur le rôle prépondérant qu’ont joué les onanistes dans l’Histoire. Inutile, stérile, le branleur ? Il a certes moins d’enfants que d’idées, mais au final les idées font progresser le monde quand les enfants ne font souvent que l’alourdir. Rêvons ensemble d’un monde où le branleur sera enfin reconnu à sa juste valeur, et où s’entendre dire « je m’en branle » sera le plus beau compliment qu’un homme puisse recevoir d’un autre !
Car vos victoires ou défaites
Souvent laissent dépôts épais
Qu’aucun tissu n’absorberait,
Contrairement à la branlette !
(Ronsard, ou presque)
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com