« Qu’ils s’en aillent tous ! » clamait avec vigueur en titre de son ouvrage Jean-Luc Mélenchon, le tribun des temps modernes qui donnait un coup de neuf sur des idéologies plus érodées qu’Hérode et donnait des frissons au Parti Communiste qui n’en a d’habitude qu’aux moments les plus froids de l’hiver, quand il n’a pas assez d’argent pour payer le chauffage rue Colonel Fabien. On allait voir ce qu’on allait voir ! La France a vu, et le Never Trust encore un peu plus que la France.
Mai 2012 — Mélenchon crée la surprise dans les rédactions. Son style offensif convient aux télévisions et fait se pâmer quelques paumés en quête depuis leur naissance d’un homme providentiel. La gouaille pâteuse de Méluche ferait presque oublier le passé socialiste et sénatorial du bonhomme, qui s’est donc découvert un destin de révolutionnaire sur le tard. Et le voici déjà qui se voit en haut de l’affiche. Il se rêve le troisième homme, puis le deuxième, et quelques sondages lui font croire que ses espoirs sont légitimes. Il se voit déjà terrassant le pédalo de François Hollande du haut de son Cuirassé Potemkine, durant un débat d’entre deux-tours meurtrier et sans pitié. Hélas, il fait surtout le jeu de l’UMP qui se sert de lui comme repoussoir naturel et lui épargne volontiers ses attaques. L’idiot utile, en quelque sorte. Le nouveau Besancenot. — Mélenchon laboure le terrain, organise ses meetings à ciel ouvert pour mieux montrer à tout le monde qu’il ne manque pas d’air, pourfend tout ce qu’il convient de pourfendre et annonce des lendemains qui chanteront tellement fort que les boules Quiès seront remboursées par la Sécurité Sociale. Et le soir du 22 avril, il observe son score malmené, dépité, et appelle à voter Hollande sans demander de contrepartie, faisant pour le coup preuve d’un certain réalisme qui manque cruellement aux Verts.
Le voici donc chevènementisé, Mélenchon ? Pitoyable satellite artificiel contraint de rentrer au bercail s’il veut encore exister au sein de la classe politique française ? Non pas ! L’ego de Méluche, c’est une Montgolfière. Malheureusement pas très dirigeable.
Ainsi, tandis que la stratégie de Marine Lepen consiste à faire oublier les fondements xénophobes et autoritaires de son parti en resserrant le débat entièrement autour de sa personne, tandis que quelques journalistes consciencieux et quelques politiciens honnêtes essayent de contrer cette même stratégie pour que personne ne perde de vue le vrai visage de l’extrème-droite française, Mélenchon lui choisit de mettre les deux pieds, les deux jambes et même le reste là-dedans et de conférer à Lepen une légitimité électorale en allant l’affronter sur ses terres, à Henin-Beaumont. Quand deux grands mégalos se croisent, ils ne peuvent plus se quitter. Cela fait des années que Lepen et Mélenchon sont l’un sur l’autre, on s’en étonne presque qu’ils n’aient pas encore fait de bébés. — S’autoproclamant seul rempart contre l’extrême-droite, voici donc que Méluche parcourt les rues d’Hénin-Beaumont. Les sondages lui prédisent un score épatant, tant et si bien qu’il raye médiatiquement le candidat social-démocrate de la carte tout en renforçant la candidature de la présidente du Front National. Et encore une fois, au soir du 10 juin, le voici largement battu et contraint de ravaler, plus ou moins d’ailleurs, son bagout.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Malgré leur profonde et légitime déception, Méluche et ses camarades barbus du Front de Gauche décident de faire une petite bouffe le soir même, pour fêter dignement la fin de la campagne. Le choix entre les menus est ardu : lasagnes ou raviolis. Mélenchon monte sur la table et, devant un auditoire fasciné, plaide pour les lasagnes en arguant du fait que cela fait deux semaines qu’on ne mange que des raviolis et que l’industrie de la lasagne a besoin du soutien de toutes les forces de gauche. Les applaudissements sont nourris, les estomacs moins, et les sondages organisés en toute hâte donne le camp des lasagnes largement vainqueur. Cependant, un vote à main levé donne finalement une large majorité aux raviolis. Mélenchon s’incline devant le résultat et appelle chacun à finir son assiette, mais refuse symboliquement de se resservir pour marquer son indépendance.
Le lendemain matin, savourant une matinée de repos bien mérité, Méluche prend le temps de jouer aux petits chevaux avec ses petits-enfants. Il a les rouges. La partie semble fort bien engagée et déjà Mélenchon se voit vainqueur avant l’heure du Journal de la Santé. Les sondages le donnent par ailleurs gagnant avec une large avance, ce qui lui permet de jouir d’une forte audience auprès de Kevin et Brandon, qui ont toujours aimé leur grand-père de toute façon. Mais une heure plus tard, Mélenchon a perdu la partie et doit se contenter de regarder sa descendance jouer le match final sans lui. Il ne manque pas de dénoncer le complot médiatico-financier des frères Parker et l’indigne exploitation qui sévit au sein du monde hippique, mais pas trop fort sinon les enfants lui font « chuuut ! » d’un ton courroucé.
Puis, à quinze heures, alors qu’il veut se rendre aux toilettes, Jean-Luc Mélenchon se heurte contre son épouse qui envisageait d’y aller également. S’engage alors un vif débat consistant à décider qui doit y aller en premier, le Président du Front de Gauche développant ses arguments avec emphase et abondance, pour la plus grande admiration de sa femme qui ne l’a pas épousé par hasard. Les sondages donnent Mélenchon largement vainqueur et celui-ci se voit déjà sur le trône, ainsi qu’il en rêve depuis des années. Mais au final c’est son épouse qui remporte le duel et obtient d’aller se soulager la première. Méluche accepte le verdict populaire mais décide ensuite de se retenir en guise de protestation, au grand dam de ses sphincters et de sa prostate. A l’heure où ces lignes sont écrites, il serre encore les fesses.
Mais Mélenchon n’a rien à craindre. A défaut d’intelligence ou de lucidité, personne ne conteste qu’il sache faire preuve d’un certain courage : il n’est pas du genre à se chier dessus. Il n’en a d’ailleurs pas besoin.
Les électeurs s’en chargent pour lui.
Publié à l’origine sur le blog nevertrust.over-blog.com