La langue française étant subitement devenue une abominable machine élitiste qui n’a d’autre but que de broyer avec mépris des enfants qui ne demandent qu’à s’épanouir en regardant Cyril Hanouna à la télévision, les « ph » et autres accents circonflexes dispensables sont donc sur la sellette.
Certains manuels scolaires ont en effet décidé d’appliquer une réforme de l’orthographe préconisée par l’Académie Française voilà 24 ans. Le Never Trust a tenté de joindre les académiciens alors responsables de cette réforme pour recueillir leur réaction, mais ils sont tous décédés.
Pour certains, cependant, seule la moitié du chemin a été parcourue. La langue française aurait encore besoin d’un bon ravalement de façade, pour mieux coïncider avec les exigences de notre temps. Bouffer transgénique en vivant à travers ses objets connectés tout en continuant à mettre deux « p » à « appréhender » ? Impensable !
« Certains mots sont juste trop difficiles à écrire, remarque Marilyne Odible, professeure de français 2.0. Ce n’est plus une question de réformer, c’est une question de revoir totalement notre manière d’approcher le langage. Par exemple, ne plus dire “ ornithorynque ” mais “ castor bizarre avec un bec ”. »
« Avant, les Inuits avaient une dizaine de mots différents pour désigner la neige ou la glace. Aujourd’hui, grâce à la modernité, ils vivent dans des baraquements et sont trop occupés à se bourrer la gueule et à se suicider pour en avoir quelque chose à foutre. Vous ne pensez pas qu’ils sont plus heureux ainsi ? »
D’autres réformes seraient en cours d’étude, notamment à l’Académie Française où la nouvelle « recrue », Alain Finkielkraut, compte faire entendre sa voix. « Nous pensons simplifier la langue en mettant fin, par exemple, à des distinctions d’un autre temps qui ne font que créer des doublons stériles. Nous préconisons par exemple que “ musulman ” et “ terroriste ” soit, enfin, désignés comme synonymes dans les dictionnaires. Pourquoi, en effet, toujours chercher à compliquer les choses ? »
Et quelle serait l’ultime réforme ? « Pour mettre fin à un mode de fonctionnement passéiste et oligarchique, je pense qu’il nous faudra éradiquer tout mot de la langue française comptant plus de dix lettres. Et les remplacer par “ truc ” ou “ chose ”. » explique Marilyne Odible, qui précise qu’une telle réforme impliquerait la création des adverbes « truquement » et « chosement ». Qui a dit que l’on n’innovait plus ?
À noter que cette volonté de réforme ne concerne pas que la langue française. Nombreux sont ceux qui militent pour que le schtroumpf soit simplifié. Des solutions alternatives – ch’troumf, stroump’f ou encore chetrouf – sont à l’étude au Centre d’Analyse des Arts du Langage Libre de Bruxelles. Il y a urgence, quand on sait qu’un prochain film mettant en scène les petits hommes bleus de Peyo, Starship Schtroumpfer, est en préparation.
De la même manière, des professeurs de mathématiques militent pour que l’arithmétique soit simplifiée de manière drastique. Leur porte-parole, Valentin Palassain, a porté son message sur les ondes de France Inter en milieu de semaine. « Certains élèves ont du mal avec les opérations de base, telles que les soustractions ou les divisions. Il nous semble nécessaire d’instaurer la notion du “ à peu près ” et de “ l’environ ” dans notre conception moderne de l’enseignement. »
Ainsi, 5 moins 2 ferait dorénavant « à peu près 4 », et 72 multiplié par 3 donnerait « environ je sais pas trop mais plus de 200 je crois »
Dans le domaine de la musique, beaucoup font remarquer que la séquence « do ré mi fa sol la si do » pose de plus en plus problème aux élèves les moins mélomanes, et suggèrent de la remplacer par un « la la la la la la la » nettement plus accessible aux fanatiques de David Guetta.
Dans le domaine des arts plastiques, on envisage également de favoriser en premier lieu les « bonshommes avec des batons et un rond à la place de la tête », pour reprendre les termes de la pédopsychiatre Amélie Danchetrou.
« Certains enfants sont plus doués pour le dessin que d’autres, et ce talent inégalitaire nuit évidemment au développement de leurs camarades. Il est donc nécessaire, pour lutter contre l’élitisme ambiant, d’imposer certaines règles de base, comme l’interdiction de la perspective ou l’abrogation de toute forme d’originalité. », a t-elle notamment déclaré.
Enfin, et pour s’inscrire dans cette logique visant à cesser de traumatiser les gens avec des choses trop compliquées qui pourraient, de manière aussi insidieuse qu’irresponsable, exciter leur créativité, motiver leur mémoire ou mettre au défi leur intelligence, la Ministre de la Culture a fait savoir que toute oeuvre documentaire ou tout film de fiction ne comportant pas une voix-off expliquant de manière claire ce qui est « bien » et ce qui est « mal » sera implacablement interdite aux moins de 18 ans.